Une peinture. Un tableau. Peut-être un autoportrait de l’artiste ?

« Le maquillage n'a pas à se cacher, à éviter de se laisser deviner ; il peut, au contraire, s'étaler, sinon avec affectation, au moins avec une espèce de candeur. »
Charles Baudelaire

Une peinture. Un tableau. Peut-être un autoportrait de l’artiste ? Une femme alanguie, les yeux clos, nue, couchée, la jambe gauche repliée sur la poitrine. Le tout peint dans des tons gris, aux tonalités bleus, mauves et ocres. La figure, peinte en surplomb, semble à la fois émerger et se dissoudre. Elle semble flotter au milieu de la toile : le cadrage et les coulures sont là pour signifier cette indécision. Nous assistons à l’émergence d’une forme, mais aussi à son possible effacement. La peinture absorbe l’image en même temps qu’elle la fait apparaître. Cet inachèvement apparent est discrètement amplifié par un amas de couleurs à la hauteur de l’épaule gauche du nu. Paz Corona a déposé à cet endroit les éléments picturaux informes qui lui permettent de faire émerger sa figure. Il s’agit à l’évidence de la palette du peintre qui se trouve être intégrée à la composition générale. Paz Corona nous donne ainsi à voir le processus pictural à l’œuvre. Et ceci, sans ostentation, avec une délicatesse aux confins de l’invisibilité. Mais si cette « palette » peut passer inaperçue, il est un détail dans cette œuvre qui, une fois indexé, nous oblige à ne voir que lui : le vernis à ongle rouge qui orne la main droite et le pied gauche du modèle. L’éclat de ce rouge contraste avec l’effet de grisaille de l’ensemble de la composition. Ce vernis, vient déstabiliser l’harmonie en camaïeu de cette peinture. Il constitue le punctum de cette représentation si l’on reprend la notion élaborée par Barthes pour la photographie afin de qualifier ce qui dans une image vient nous piquer, nous poindre. Il y a quelque douce insolence dans la présence ténue mais insistante de ce vernis rouge qui vient nous rappeler que la peinture est aussi une cosmétique et, comme telle, peut être considérée comme un supplément dangereux. Paz Corona, souligne ici discrètement ce qui pour Platon constituait un scandale et une menace eu égard à sa conception essentialiste de la vérité. Ce vernis qui point, est bien la marque, patente et délicate, d’un devenir-femme de l’art qui, au-delà du genre de l’artiste, traverse la question de la peinture.

Bernard Marcadé